Début mai, nous avions disserté sur l’éventuel véracité du vieil adage boursier « Sell in May and Go Away ». Dans un premier temps, il s’était révélé cette année parfaitement juste puisque les marchés financiers s’étaient brutalement repliés. Le président Trump avait en effet relancé la guerre commerciale avec la Chine alors qu’un accord semblait proche.
Puis début juin, la réserve fédérale a une nouvelle fois soutenu les marchés. Son Président, Jérôme Powell, a relancé les espoirs d’une baisse des taux d’intérêt aux USA. Pourtant il n’y a même pas six mois, les marchés anticipaient trois hausses de taux pour cette année. La Fed est inquiète pour la croissance américaine en raison de la guerre commerciale avec la Chine. En outre, les anticipations d’inflation sont retombées nettement avec un commerce mondial en berne et un pétrole reparti à la baisse, donnant par conséquent de la marge de manoeuvre aux autorités monétaires américaines. Les marchés financiers ne s’y sont pas trompés et ont vivement progressé ces dernières semaines, réalisant le meilleur mois de juin depuis des lustres.
L’adage boursier « Don’t Fight the Fed »* a donc bien fonctionné prenant le contrepied du précédent « Sell in May and Go Away ». Ce dicton est souvent repris à Wall Street. Il y a cependant toujours débat sur sa pertinence. Nous pouvons quand même remarquer qu’en 2018, les indices boursiers se sont repliés lors du cycle de hausses de taux alors qu’en 2019, ils ont profité à plein du retournement de la politique monétaire américaine validant le fait de ne pas aller contre la politique monétaire américaine. Depuis la crise de 2008, les marchés financiers sont malheureusement devenus « dépendants » de leur drogue : la liquidité offerte par les banques centrales ! Alors quand Marion Draghi, Président de notre Banque Centrale Européenne ajoute de l’eau au moulin, les « junkies » en oublient tout le reste et se précipitent à nouveau sur les actifs à risque.
Faut-il se méfier de ce mouvement ?
Tout d’abord, la situation économique n’est guère brillante. L’activité manufacturière, que nous suivons notamment à travers les PMI (cf notre lettre du 26 mars dernier), subit toujours le contrecoup du ralentissement du commerce mondial même si nous n’observons pas de dégradations supplémentaires ce dernier trimestre. Heureusement, la consommation des ménages reste forte. Elle est aidée par des taux de chômage très bas dans la plupart des économies développées.
Ensuite, le contexte géopolitique est pour le moins troublé. Donald Trump souffle le chaud (avec la Corée du Nord) et le froid (Iran, Mexique). La probabilité d’un « no-deal » Brexit se renforce de semaine en semaine. Les pays européens affichent des dissensions fortes. Et les tensions commerciales sont loin d’être apaisées.
Enfin, nous assistons à la fin de la dégradation des perspectives bénéficiaires des entreprises par les analystes. Mais une hausse de 4% des profits est néanmoins attendue pour cette année, malgré une base de départ très élevée en 2018. La saison des résultats qui va bientôt commencer sera cruciale pour la poursuite de la hausse des actions cette année.
Nous pensons dans ce contexte que la période estivale pourra s’avérer délicate pour les actions. Les faibles volumes de transaction que l’on observe durant les mois d’été sont souvent la source de mouvements erratiques et désordonnés des marchés actions de par le monde. Nous recommandons donc la prudence. Une prise de bénéfice après la forte hausse du premier semestre nous semble indiquée.
En restant à votre disposition si vous voulez approfondir sur le sujet.
Eugène Constant
*Ne pas combattre la Fed